Les chaînes de rigidité…

On l’a vu au travers des deux précédents chapitres consacrés à la rigidité et la raideur à VTT : deux notions essentielles pour saisir le comportement et le caractère de nos montures. On boucle la boucle en parlant ici des chaînes de rigidité et raideur.

En d’autres termes : comment ce que le sol veut nous dire de lui, nous parvient sous les pieds, les fesses, ou entre les mains. Il en va de la qualité même de notre pilotage, et des sensations, du plaisir, que l’on peut en tirer… 


Au sommaire :

Points d’appuis vélo / pilote

Pour saisir ce dont on parle ici, il est essentiel de faire un petit rappel au sujet des points d’appuis, du vélo et du pilote. Les chaînes de rigidité/raideur se situent entre les deux. Pour ce faire, c’est le vélo dans son ensemble que l’on commence par étudier…

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Cette modélisation est très basique certes, mais il faut parfois revenir à l’essentiel pour poser certains raisonnements sur de bonnes bases. Ici, cette modélisation nous permet de faire un constat essentiel pour la suite : le vélo n’est rien d’autre qu’un système pris en sandwich entre le pilote et le sol…

Mythes et réalité…

Constat essentiel puisqu’il est à l’origine même de la notion de pilotage. En mouvement, l’environnement changeant transmet des informations au pilote. Ce dernier y réagit en adoptant la gestuelle ad-hoc qui lui permet de jouer de sa position sur la piste et de sa vitesse.

Parmi ces informations, la vision et le son bien entendu, mais également tout ce qui à trait au sensoriel, à la proprioception. Notamment tout ce que le vélo retranscrit de lui-même, et du sol, à son pilote. Raison pour laquelle se rappeler que le vélo est pris en sandwich entre le sol et le pilote a toute son importance.

On l’a abordé dans le chapitre précédent, les suspensions entrent forcément en compte dans cette configuration. Et en la matière, il s’agit d’une question d’équilibre. La suspension va prendre une position dans le débattement, en fonction de l’effort en provenance du sol, de l’appui du pilote et des fameux réglage que l’on aura adopté.

Les chaînes de rigidité/raideur

Cette vision est un peu extrême. Nous ne sommes pas tous athlètes de haut niveau, et l’on peut tout de même aussi exiger du confort de nos vélos. On voit donc un champ de possibilités plutôt qu’un idéal, se dessiner. Il s’agit encore une fois de compromis, l’idée étant que chacun trouve chaussure à son pied. 

Pour y parvenir, encore faut-il maîtriser ce qui se passe entre le pilote et le sol : bref, le travail que fait le vélo entre les deux. C’est là que les chaînes de rigidité/raideur entrent en jeu. De la surface de contact des pneus à nos pieds ou mains, ce sont en effet des successions d’éléments qui transmettent ou filtrent les informations du sol au pilote…

  • Chaîne avant = pneu > (jante > rayons > moyeu > axe)* > [fourreau > plongeur > té > pivot]* > (Douille et jeu)* > (potence > cintre > poignées)*
  • Chaîne arrière = pneu > (jante > rayons > moyeux > axe)* > triangle arrière > [amortisseur]* > triangle avant > boitier > manivelles > pédales

* entre (…) & […] le détail d’éléments plus globaux, auxquels on se réfèrent par la suite > roues, fourche, cadre et poste de pilotage. 

Comme tout sous-ensemble cinématique/mécanique, chaque élément pris séparément subit certaines contraintes, transmet certains efforts et dispose de certains degrés de liberté. C’est ce qui permet d’ailleurs aux ingénieur de préciser leur conception et leur dimensionnement.

C’est aussi ce détail qui permet, par recoupement avec les ressentis du pilote et certains ajustements d’un run à l’autre, de remonter aux raisons de tel ou tel comportement, tel ou tel ressenti. Un pneu par exemple, fait de gomme, de tissus et d’air, ne rebondit pas de la même façon qu’une roue faite d’aluminium, d’acier et de carbone…

Les subtilités du moment

Raison pour laquelle, dans la vie courante, on ne parle pas nécessairement de rigidité et de raideur pour chaque élément de ces chaînes. On parle plus souvent de certaines subtilités de ces deux paramètres : capacité à filtrer, tendance à vibrer notamment.

Dans tous les cas, il est bon d’avoir en tête les principaux traits de caractères et observables de chaque maillon des chaînes de rigidité/raideur d’un vélo.

Cas particulier du cadre…

On vient de le voir, il y a une infinité de subtilité ou presque à chaque maillon des chaînes de rigidité/raideur. D’autant qu’on ne parle ici que des traits essentiels, les plus facilement perceptibles. Reste néanmoins à parler du cadre du vélo, dans son ensemble. Notamment parce qu’au delà de son rôle dans chaque chaîne, il a aussi un rôle essentiel : celui d’assurer la cohésion de l’ensemble du vélo. LA fameuse fonction châssis. N’oublions pas que c’est à lui qu’une grande part des composants se raccordent.

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Là encore, il n’y a pas une solution unique, mais plusieurs écoles. Certains visent une déformation la plus faible possible quel que soit l’effort (rigidité). D’autres tolèrent une certaine déformation fidèle à l’effort qui l’engendre. Certains tentent d’avoir un début de déformation facile avant de verrouiller de manière plus importante pour avoir le meilleur des deux mondes… Se pose aussi la question de la localisation de la déformation : homogène ? au boitier ? triangle avant rigide & triangle arrière qui travaille ?! 

Dans tous les cas, ça influe sur différentes perceptions. La première, si le vélo, dans son âme, est plutôt rigide, donc précis, ou pas, et s’il est plutôt raide, donc confortable ou pas. Ça définit ensuite le flex au niveau du boitier de pédalier – quand on met de l’angle notamment – s’il est plutôt raide et exigeant en la matière, ou s’il a du flex et comment en jouer – déformation assez inerte, ou effet ressort… la dernière enfin, si les deux roues ont tendance à bien se suivre – voir à ce que le vélo exige que l’on fasse passer les roues au même endroit – où s’il tolère quelques approximations – quitte à saucissonner parfois.

Qu’en retenir ?!

Voilà pour les chaînes de rigidité/raideur, et les subtilités de chaque maillons qui les compose. Qu’en retenir ?! Essentiellement, qu’une chaîne est un TOUT. On appelle d’ailleurs ça une chaîne pour une bonne raison : il suffit d’un maillon faible pour tout flinguer, ou bien pour jouer le rôle du fusible. On touche aussi à l’idée d’homogénéité avant tout, de proche en proche. Deux exemples pour concrétiser ces propos…

Premier, le cas d’un vélo très rigide et raide, que l’on voudrait rendre plus confortable avec des pneus souples et tolérants. Au premier appui, ce sont eux qui, maillons faibles, vont tout prendre. Saucissonnage, crevaison, rebond ou difficulté à trouver la bonne pression assurée. Autre exemple, la paire de roues réputée rigide et précise sur un cadre de toute façon mou à l’origine. Les roues ne vont pas travailler. Elles ne vont que sur-solliciter le cadre, qui ne va que redoubler de déformation. Vélo en crabe, impossible à piloter précisément : effet pervers et inverse à l’idée de départ.

Que faire alors ?! Avant tout chercher à comprendre ce qui se passe sur un vélo. Il y a là une part de méthode : on joue d’un paramètre à la fois, pour tenter de mettre le doigt sur celui qui est à l’origine de notre ressenti, parfois résultat d’une combinaison de facteurs. Il y a ensuite une part d’apprentissage et d’expérience : avec le temps, on finit par mieux cerner les subtilités de chaque composant en matière de rigidité/raideur, et savoir mieux cibler.

Dans tous les cas, vouloir jouer sur la rigidité/raideur de son vélo, c’est vouloir jouer sur les chaînes dont on parle ici. Il faut donc raisonner sur la continuité de la chaîne. Rester dans des valeurs voisines, de proche en proche, et ne pas les rompre. Choisir un produit un peu plus ou un peu moins quitte à jouer aussi sur les maillons voisins, plutôt que de ne jouer fortement que sur un seul. C’est subtil, mais nécessaire pour obtenir les meilleurs résultats 😉

Rédac'Chef Adjoint
  1. Bonjour Antoine,

    Super article, il est bien expliqué et il amène à des questions intéressantes !

    Je vois pas mal de gens qui en upgradant leur bike change des éléments pour du plus gros, plus rigide (en particulier pour la fourche et les roues).

    Je pensais également à faire la même chose sur un spectral Al Ex de 2016. (Pike -> Lyrik; Sram roam 30 -> Dt swiss Ex1501). Mais est-ce pertinent ? le cadre ne risque pas de devenir l’élément qui prend toute la déformation et deviens la pièce fusible ? Le bike ne va-t-il pas perdre en homogénéité ?

    Comme évoquer dans les articles sur les nouveaux meta TR et AM, on voit même sur les montages haut de gamme des composant qui peuvent faire cheap comme les cintres ride alpha alu alors qui il y’a quelques années on aurait plutôt vu un renthal carbone sur cette gamme de prix. On voit donc bien que plus rigide ne veux pas dire meilleur comportement …

    1. Bonjour Vianney,

      excellente question concernant le Spectral EX. J’ai possédé ce vélo, je vois donc particulièrement où tu veux en venir. J’ai effectivement un doute sur la pertinence de rouler la Lyrik à la place de la Pike. Ça peut dépendre du terrain de jeu, de ce que tu veux faire avec le vélo, et de ce que tu peux reprocher à la Pike. par contre, il peut y avoir quelque chose à faire avec les roues. Les EX1501 filtrent plus et rebondissent moins que les Roam 30. Pas de risque donc de malmener le cadre ou de flinguer l’équilibre du vélo. Je commencerais d’ailleurs par les roues, avant d’envisager ou non la fourche. Ça permet d’y aller par étape, et bien cerner l’influence de chacun. Il se peut même qu’une fois les roues changées, les attentes envers la fourche soient légèrement différentes…

  2. Hum j’ai là même question sur mon Jeffsy que je trouve un peu raide (et non trop rigide ;-)) et me demande s’il faut que je joue sur les tokens. Ou plutôt passer du cintre carbone vers un cintre alu.
    Plus on en apprend plus on voit l’étendue de ses lacunes lol

    1. Salut !

      Dans la mesure où la raideur de suspension du Jeffsy est assez élevée, la question se pose effectivement de savoir si ce qui est perçu provient de là, où du cintre. Il me semble que la démarche est assez claire > commencer par retirer les spacers et token dans les suspensions. C’est assez vite fait et ça ne coute rien. Et si malgré ça, l’inconfort est toujours présent, alors, effectivement, jouer sur cintre et potence 😉

  3. AAAAAAAH Ce fameux triangle de substentation ou l’art de jouer des appuis pour obtenir un équilibre instable tout est une question d’équilibre…

    C’est bien de faire prendre conscience a la majorité que le trop n’est pas forcement l’ami du bien… super article!

    Moi, aujourd’hui, j’ai remplacé ma paire de Wild Enduro qui avait fait 800km par le même train de pneus neufs et beh je peux vous assurer que mes pneus neufs filtrent mieux, rebondissent moins et la carcasse se tient beaucoup mieux ce qui m’a permis de jouer d’1 clic de rebond supplémentaire pour dynamiser l’ensemble.

    Apres ,je pense que ces analyses et ce feed back sur des détails aussi fins que les pneus les cintres ou les manivelles ne sont pas forcement faciles à analyser pour la majorité des riders mais pourtant totalement nécessaire pour qui veux progresser sur la mise au point… car encore une fois… tout est une question d’équilibre instable 🙂

    1. Bien vu, l’approche est intéressante ! merci de l’avoir glissé en commentaire 😉 Pour ce qui est des ressentis, c’est effectivement fin, mais s’il y a bien un message à faire passer, c’est que c’est accessible. Comme tu le rapporte : il suffit d’un nouveau ou autre produit, d’un peu de curiosité, de prendre le temps de comparer, pour apprendre et progresser. Il n’y a là rien de magique, juste un peu de curiosité, de travail et d’application 😉

  4. Comme souvent article très intéressant et qui fait se poser des questions, notamment a titre personnel, sur une difficulté a régler l’avant du vélo, je teste plusieurs réglages de fourches mais finalement ce qui me trotte dans la tête depuis un moment est ce cintre en 35 qui doit etre trop raide pour moi.
    Merci pour ces articles techniques !

    1. Super, merci ! C’est effectivement un cas assez « classique » et ça mériterait d’emprunter un cintre et une potence pour faire un essai. On a souvent tendance à exiger beaucoup des suspensions parce que ce sont des éléments très techniques, et ajustables, mais elles ne peuvent pas tout. D’ailleurs, pour qu’elles donnent le meilleur d’elles-même, il faut plutôt les laisser tranquille, et pas les surcharger en leur demandant de faire le boulot des autres éléments du vélo 😉

  5. Merci pour le mal de casque ! 😉

    Blague à part que penser alors des marques proposant pour un même cadre différentes config à des niveaux de prix différents (l’équilibre est-il recherché/conservé ?) …
    Ex j’ai un rallon M10 2020, le 2021 est identique mais passe en fox38 devant. Quid de l’équilibre du train avant ?
    J’envisage l’achat d’un cintre cet pédalier carbone en upgrade. Est-ce que je risque de déséquilibrer le vélo ? Sachant que sur les gammes au-dessus, ce sont déjà des éléments en carbone ?
    Idem, j’ai viré (question de solidité !) les jantes origines par un montage artisanal (Ex511/hope pro4), qui du coup je pense et bien plus raide ET rigide…
    Bref, comment s’y retrouver sans avoir l’équivalent d’un shop en pièces & accessoires pour tester différentes config ?

    Pas sur de réussir à dormir ce soir du coup !

    1. Salut Lou,

      pas de stress, ta question comporte des éléments de réponse. La Fox 38 a pour elle d’être moins raide que la 36 dans différents cas de figure. Tu peux voir d’un bon oeil son arrivée puisqu’elle va permettre de monter le cintre en carbone dont tu parles. Avant ça, puisque le triangle avant du Rallon est déjà un peu raide, je t’aurai plutôt conseillé d’éviter, quand bien même le marketing et le besoin de valoriser des modèles haut de gamme pousse à équiper les vélos les plus chers de ces composants !
      Pour ce qui est des roues de ton montage, elles sont certainement plus rigide, mais ce n’est pas dit qu’elles soient plus raides. Dans tous les cas, qu’en penses-tu maintenant que tu les as ? As-tu ressenti un gain ? Si oui, lequel ? Et souhaites-tu encore le même type de gain ?

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