Christophe « Momo » Morera

Quand une actrice ou un acteur du monde du VTT nous offre son autoportrait en se prenant en photo et en se soumettant à un petit questionnaire décalé, c’est le Selfie ! Aujourd’hui, place à Christophe Morera, dit Momo, boss de la société Race Company (Muc-Off, Ibis, KS, 100%…), mais aussi pionnier du Freeride et speaker émérite… Un gars aussi à l’aise au guidon d’un VTT qu’un micro à la main.

 


Temps de lecture estimé : 5 minutes – Photos : Christophe Morera


 

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Christophe Morera – Dangerous Momo

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« Pendant des années, ma force, ça a été que pas mal de gens me prenaient pour un idiot… Du coup, ils ne faisaient pas trop gaffe à moi ! »

 

Comment te décrirais-tu ?

J’ai la tchatche et j’aime mettre de l’ambiance… À la base, je suis quand même un peu showman. La lumière ne me fait pas peur ! J’aime aussi les challenges et relever les défis. C’est ce qui m’a permis de me lancer dans le business et de créer la société Race Company en 1999.À partir de ce moment-là, heureusement, il y a des gens qui ont su voir en moi autre chose qu’un guignol qui sort des vannes dans un micro ! Professionnellement, je suis quelqu’un de créatif, un peu rêveur et toujours à la recherche de nouveaux produits exotiques à distribuer. Je suis également un homme de clan… J’aime bien être entouré de mes potes et de ma famille. C’est comme ça que je me sens le mieux, en confiance. À la base, d’ailleurs, l’équipe des Mias que j’avais lancée dans les années 90, c’était plus une bande de potes qui partageaient tout qu’un véritable team. On n’a jamais été les meilleurs, mais ça ne nous empêchait pas de faire le job, de l’image et même d’avoir des résultats. Il y avait la base, avec Babi (Fabrice Taillefer), Narbaix, Christophe Ubassy, Lionel Séquera et puis régulièrement, des jeunes arrivaient et se faisaient remarquer… Avec les Mias, je suis quand même fier d’avoir sorti des pointures comme Thomas Lemoine ou Killian Bron.

 

Le vélo a changé quoi dans ta vie ?

Jusqu’en 1999, le VTT, c’était ma passion. Ensuite, ça l’est restée, mais c’est devenu mon boulot. J’ai lancé Race Co, nous avons créé nos propres marques, SB3, Trick X et One/Two… Et puis j’ai pu vivre aussi une belle histoire avec une marque californienne mythique. Mais à la base de tout ça, il y a le Freeride à VTT, une petite carrière de rider pro et toutes les rencontres qui vont avec. Cela m’a permis d’acquérir un statut et une expérience qui m’ont servi à bien m’implanter au début et qui me servent encore aujourd’hui. Mais le déclencheur, c’est quand même le jour où un magazine m’a demandé d’accompagner le Canadien Richie Schley et son photographe, Scott Markewitz, chez nous, dans le Colorado provençal, pour une séance photos. Un an plus tard, Schley revenait avec une équipe pour le tournage de la vidéo « Kranked » et je lui ai dit : « Tu sais qu’on roule aussi, nous… qu’on sait sauter et qu’on descend des trucs raides ? »… Il m’a donné rendez-vous le lendemain avec nos vélos et nous nous sommes pointés avec Fabrice pour lui montrer ce que l’on savait faire. Puis il y a eu « Kranked 2 », « 3 »… La suite fait partie de l’histoire du Mountain Bike (rires) !

 

La position du curseur sur ta balance boulot/loisirs ?

On va dire 20 % loisirs et le reste boulot… Tu sais ce que c’est, quand on distribue et qu’on fabrique des produits, on teste souvent et même si l’on roule pour le plaisir, on réfléchit, on se demande si la pédale ou la poignée que l’on a créée fonctionne bien. Tout ce qui tourne autour du bike fait partie de mon job, mais comme on dit, quand on cultive des petits pois, lorsqu’on les mange, ils n’ont forcément pas le même goût (rires) ! Le reste du temps, j’essaye de profiter de mes amis et de ma famille et de passer de bons moments avec mon fils et ma fille.

 

Quand tu n’es pas dans le monde du vélo, tu fais quoi ?

Moi, ce que j’aime, c’est passer du temps dehors, dans la nature et faire de beaux voyages. Je suis assez basique , comme mec… Je n’ai pas vraiment d’autres passion que les grands espaces et le vélo. Je pars marcher, je me balade, je cherche des nouveaux sentiers.

 

« Heureusement, il y a des gens qui ont su voir en moi autre chose qu’un guignol qui sort des vannes dans un micro »

 

Mécanicien ou mécaniquer ?

Surtout pas de mécanique ! Je pars du principe qu’il y en a qui le font bien mieux que moi, alors je les laisse faire volontiers… Comme tout bon mec du Sud, je parle avec les mains et vu qu’elles me servent beaucoup, j’évite de me donner des coups de marteau dessus (rires) !

 

La dernière fois que tu as été embarrassé…

C’était lors d’une réunion avec une centaine de chefs d’entreprises du bassin du Pays d’Apt. Je devais faire une intervention devant eux, j’avais préparé mon speach, bien carré, je l’avais répété la veille, j’avais noté des chiffres et tout… et je suis partie en live ! Je n’ai rien fait de ce que j’avais prévu, du grand Momo, et ça m’a vraiment mis mal à l’aise. Pourtant, les gars ont bien aimé, ils m’ont applaudi à la fin et m’ont même félicité en disant que c’était original, mais moi, je ne me suis jamais senti aussi gêné. Parce que je n’ai pas pu me contrôler, en fait.

 

Dernier coup de cœur…

Le Lac de Côme… Un endroit magique aussi bien pour flâner que pour rider.

 

Dernier coup de blues…

Quand je me suis fait enlever la distribution d’une grande marque américaines après 17 ans de bons et loyaux services… Mais aujourd’hui, quand je les regarde, je me délecte de la situation !

 

Dernier coup de gueule…

Contre un opérateur de fibre optique qui a voulu me la faire à l’envers. Et on parle de 20 000 balles, quand même… Plus les groupes sont gros, plus ils ont l’impression de pouvoir tout se permettre. Heureusement, il y a des failles.

 

Dernière bonne nouvelle…

L’expo de mon fils Hugo sur Montpellier. C’est un artiste graphiste, il y a un gros crew là-bas et ils lui ont donné l’occasion de s’exprimer dans les rues de la ville. J’étais à la fois fier et content pour lui qu’il soit reconnu par ses pairs.

 

 

Ton premier VTT…

Tout est venu d’une rencontre avec les frères Taillefer dans le Luberon. Ils étaient là, avec leurs VTT, et ils m’ont dit qu’il fallait vraiment que j’essaye ça et que je vienne rouler avec eux. Moi, à la base, je viens du BMX, alors quand il a fallu que j’achète un vélo, je n’y connaissais rien et je me suis donc fié aux marques en qui j’avais confiance. Je me suis donc dirigé sur un Mongoose équipé en Shimano… Un choix plutôt bon, non, finalement ?

 

« J’ai toujours appris de mes erreurs et à chaque fois, ça m’a rendu plus fort »

 

Le plus beau spot pour rouler…

Ah, je crois que tu le sais… C’est le Luberon et le Colorado provençal ! C’est l’un des plus beaux coins au monde. On peut dire qu’on l’aura sillonné avec nos VTT, ce spot. Et puis c’est lui qui nous a fait connaître. Je ne vais pas dire le contraire, je suis ambassadeur du Vaucluse… Même aujourd’hui, quand j’emmène les jeunes rouler dans les grottes d’ocres, ils sont bluffés par la beauté du site. C’est intergénérationnel ! Heureusement que les minots arrivent à lâcher un peu leurs écrans et réussissent encore à s’émerveiller sur ce que nous offre la nature…

 

L’endroit où tu rêves de poser tes roues…

J’ai roulé dans beaucoup de beaux endroits, mais l’Australie reste un rêve. En plus, mon cousin habite là-bas et mon pote Lionel Séquera aussi, alors j’ai déjà deux points de chute. Mais comme le voyage est extrêmement long et que pour bien faire, il faut y rester au moins un mois, pour y aller, je risque de devoir attendre la retraite… Et à l’heure actuelle, on ne sait plus trop quand elle va tomber ! C’est un sujet d’actualité.

 

Une addiction…

Si je dis les femmes, c’est la mienne qui va me tuer (rires) ! Mais bon, y’a pas de mal à regarder, non ? Sinon, y’a la coca… pas LE Coca, hein, la tarte salée des pieds noirs avec de la tomate, des poivrons et des anchois. Si tu m’en donnes une tous les jours à l’apéro, je prends !

 

Ton plus grand regret ?

C’est de ne pas avoir pu finir ma carrière de freerider à cause d’une grosse chute qui m’a laissé avec des problèmes au bras gauche à cause d’un nerf qui est resté coincé dans le coude. Je n’ai plus autant de force qu’avant. Par exemple, encore aujourd’hui, je ne peux plus faire de pompes. Ni de trop longues descentes à VTT… Quand je vois Richie Schley ou Brett Tippie, qui, à 50 balais, restent toujours des ambassadeurs du Freeride, avec de bons contrats, ça me donne quelques regrets. Comme je suis plutôt un bon communicant, je pense que j’aurais pu surfer sur la vague plus longtemps.

 

Une fierté…

Ma famille. C’est une réponse assez basique, mais n’empêche que je suis fier de voir que l’on a réussi à rester soudés. Un couple solide et des enfants épanouis qui réussissent. Avec ma femme et mes enfants, on avance ensemble et ce sont eux qui me donnent l’équilibre dont j’ai besoin. Qui parviennent à me canaliser un peu, aussi. Et puis tu peux écrire que je suis fier de mon crew, des gars et des filles avec qui je bosse.

 

Un talent caché…

Ambianceur ! On dit comme ça, maintenant , non ? J’ai un certain talent pour transformer une simple soirée en « Chaude Night Fever » (rires) ! Je suis plutôt bon danseur, aussi. J’aurais pu faire « Danse avec les Stars »… Enfin bon, faudrait quand même que je fasse gaffe à mon dos qui est un peu en vrac. J’ai plus 20 ans !

 

Une erreur de jeunesse…

Pas une erreur, mais plusieurs… A savoir vouloir faire trop de choses en même temps et pas à fond… Mais en fait, je ne regrette rien… Quand tu te prends une fois une porte dans la gueule, la deuxième, tu essaies de l’éviter ! J’ai toujours appris de mes erreurs et à chaque fois, ça m’a rendu plus fort. J’espère que ça continuera comme ça. En tout cas, ça m’a mené là où je suis et ce n’est déjà pas si mal ! Pendant des années, ma force, ça a été que pas mal de gens me prenaient pour un idiot… Du coup, ils ne faisaient pas trop gaffe à moi, ils ne me voyaient pas venir et ça m’a servi.

 

Un plat…

La paëlla.

 

Un concert…

IAM, en première partie de Public Enemy, au Dôme de Marseille. Leur premier gros concert. Magique. Ça faisait plaisir de voir des jeunes des quartiers réussir leur truc et que l’on commence à reconnaître leur talent… Je les ai connus au tout début, quand ils rappaient sur le Vieux Port, bien avant le succès de « L’Ecole du Micro d’Argent ».

 

Un livre…

Pas un livre, malheureux ! Plutôt un magazine…VTT Mag de la grande époque, par exemple. Avec Vincent Ranchoux, Mister Caprin (avec l’accent américain…), Samos… Et le premier Bercy VTT ! Trois semaines après le Dual des Mias, j’ai Ranchoux, à l’époque rédacteur en chef du mag, qui m’appelle pour me demander de venir faire le show sur le premier VTT indoor de Bercy. J’ai un peu réfléchi quand même avant de relever le défi, mais finalement, je me suis lancé dans l’aventure et ça reste l’un de mes plus beaux souvenirs.

 

« Avec les Mia, je suis quand même fier d’avoir sorti des pointures comme Thomas Lemoine ou Killian Bron ! »

 

Une série…

Peaky Blinders sur Netflix… Ah oui, sinon, y’a aussi un film que j’ai maté récemment et qui m’a carrément scotché, c’est « Hostiles ». Un western avec des cowboys et des Indiens, mais où le fond est incroyablement puissant. La scène d’intro est digne d’un Tarantino. Poignant.

 

Une insulte…

“Zebrouleooou” ! « Zèbre que tu es », en Provençal.

 

Un TOC…

Je n’en ai pas.

 

Un conseil qui t’a particulièrement marqué…

De toujours rester soi-même. Malgré tout, cela oblige souvent à se justifier et à montrer que tu n’es pas un imposteur quand tu rencontres des responsables de grosses boîtes ou des collègues entrepreneurs. Et puis quand tu arrives devant un banquier habillé en short, tongs, casquette, avec des tatouages partout et que tu lui demandes des ronds, forcément, le gars se méfie davantage que face à un type en costard-cravate… On va dire que j’ai plutôt joué de cette image et que ça a plutôt été positif. Aujourd’hui, si je bénéficie d’une certaine aura dans le milieu du VTT, c’est aussi grâce à ça. J’aime bien être décalé. A prendre ou à laisser.

 

Une devise…

« Ce qui ne te tue pas te rend plus fort ».

 

Merci Momo ! 😉