Regard féminin – Ma première EWS au guidon du Cannondale Jekyll 29

Ça fait partie des petits suspenses de notre activité journalistique : parfois, avoir le choix n’est pas synonyme de facilité… Et avoir plusieurs vélos à rouler implique de jongler. C’était le cas de Nadine Sapin, notre ambassadrice de choc, à l’automne dernier !

Après une belle prestation en Coupe de France VTTAE au guidon du Merida E One Sixty 900E, pas de temps à perdre. La voilà sur le Cannondale Jekyll 29 fraîchement déballé, pour participer, ni plus ni moins qu’à sa première Coupe du monde EWS… Voici son retour d’expérience !

 


Temps de lecture estimée : 12 minutes – Photos : Endurotribe et EWS


 

Au sommaire de cet article :

 

 

Depuis la création de la catégorie Master femme en EWS, j’ai toujours eu une envie secrète de pouvoir participer à une des courses pour relever un nouveau défi. En 2018, j’ai eu enfin l’opportunité de m’inscrire à l’EWS d’Ainsa en Espagne. Mais à peine inscrite que je commençais déjà à me poser plein de questions et à craindre de ne pas avoir un niveau technique suffisant… Mais bon, un défi est un défi, et ça motive! J’étais également très curieuse de découvrir de l’intérieur ces EWS qui font rêver tant de monde.

Pour cette belle épreuve, Cannondale m’a mis à disposition le récent Jekyll 29 1 2019. Tout juste présenté à la presse pendant l’été, le timing pour recevoir un taille Small était très compliqué mais tout s’est finalement bien passé et je l’ai reçu la veille de mon départ pour les Pyrénées. Tout va alors se dérouler en moins d’une semaine !

 

 

Présentation du Jekyll 29 1 2019

La conception principale reprend celle du Jekyll 27.5 que nous vous avons déjà présenté sur Endurotribe avec notamment :

  • l’amortisseur Gemini avec commande au guidon,
  • le Lockr, un système exclusif de pivot à axe traversant,
  • des bases arrières courtes et asymétriques,
  • un point neutre de freinage,
  • le triangle avant en carbone et arrière en aluminium,
  • une biellette full carbone.

 

 

La grande différence est le changement de débattement 150mm avant/arrière et sa taille de roues (29 pouces) ce qui impose une modification de certaines mensurations !

Cannondale a pris parti de conserver les mêmes angles de direction et de tube de selle de l’un à l’autre, visant à conserver une ergonomie semblable. Seule petite variation au niveau des Reach et Stack qui diffèrent de quelques millimètres, sans pour autant creuser un monde d’écart. D’ailleurs, la marque pousse le bouchon plus loin en tentant de conserver une autre valeur clé dans l’ergonomie du vélo : l’empattement avant – distance boitier/roue avant – qui joue le rôle de projection des points d’appuis du pilote au sol.

S’il y a une différence, c’est donc sur les côtes qui influent sur le comportement du vélo qu’elle doit se baser. Ici, la longueur des bases principalement. Le Jekyll 27,5 est réputé pour faire usage de bases très courtes – 420mm – mais le Jekyll 29 prend le parti opposé – 442mm. Une différence qui se répercute logiquement, aussi, sur l’empattement global du vélo, qui prend une vingtaine de millimètres.

Reste alors à voir sur le terrain si ces adaptations pour les passage en 29 pouces sont concluants.

 

 

Pour le Jekyll 29 1, le plus haut de gamme de la série, les finitions et l’équipement sont soignés, rien n’a été sous estimé :

 

 

Mes modifications pour l’EWS

Comme l’équipement était déjà très performant et que je n’ai eu que très peu de temps pour le préparer, j’ai changé les points d’appuis (poignées, selle), mis un système anti-crevaison dans le pneu arrière, des protèges-mains AVS et un garde boue.

J’ai également installé un autre cintre carbone plus court 740mm (avec le même rise) au lieu de 780 d’origine trop long pour moi. Et après réflexion, même si j’aurai eu plus de temps, je crois que je n’aurai ajouté qu’un anti-déraillement.

 

 

 

Mes premières impressions

Je n’ai pu commencer à rouler avec le Jekyll que le lundi de la semaine de l’EWS ! J’étais à Loudenvielle, le lendemain de la Coupe de France de VTTAE. J’en ai donc profité pour monter faire une spéciale de la veille qui empruntait un GR sinueux et étroit. Fourche et amortisseur réglé avec 30% de SAG, j’ai pris la liaison qui empruntait une vieille voie romaine puis une piste. Après quelques tours de roues, j’ai eu l’impression d’être haute sur le bike. Sûrement l’effet du 29 pouces. Par contre, il semble être très agréable et efficace au pédalage. Il monte presque tout seul.

En descente, comme c’était mon premier test d’enduro en 29 pouces à l’époque, je craignais d’être un peu perdue au pilotage. Mais, non j’ai même été étonnée par son agilité et sa maniabilité dans les virages. Le vélo donne l’impression de rester stable et réactif quelque soit le terrain.

 

 

Et après quelques temps

Cet essai s’est réalisé en peu de temps et dans des circonstances particulières donc je n’ai pas pu tout analyser mais c’est aussi intéressant de prendre en mains un vélo dans un tel contexte car c’est son comportement général qui a primé sur les détails.

 

 

Pour mieux comprendre, voici comment s’est déroulé mon test : lundi, descente d’une demi-spéciale à Londenvielle en roulant gentiment pour le prendre en main. Mardi, j’ai pu intégrer une session « navette » dans la vallée de Benasque ce qui m’a permis de rouler avec des Espagnols dans une bonne cadence.

 

Le jeudi et vendredi, c’était les reconnaissances du parcours des EWS. Comme je roule toujours tranquillement lors des reco pour « essayer » d’analyser au mieux le terrain, je n’ai pas exploité véritablement le bike. Enfin, samedi et dimanche, c’était la course et là j’ai essayé de rouler le mieux que je pouvais avec ce tout nouveau vélo pour moi !

Donc entre prise en main express, préparation, reconnaissance, organisation, stress et course, beaucoup de paramètres sont intervenus.

 

 

Ce qu’il en ressort c’est que globalement, le Jekyll 29 1 est très facile à prendre en main (heureusement pour moi d’ailleurs 🙂 ). J’ai un peu affiné mes réglages de suspension suite à la journée navette mais sans plus. La cinématique fonctionne très bien, les réglages sont simples.

La position du pilote est à mon goût idéal pour la polyvalence que demande l’Enduro en compétition avec de bonnes descentes mais aussi de bons coups de culs. On est sur les pédales, centré sur le vélo, efficace dans le technique ascendant ou descendant.

L’association des suspensions en 150mm, des roues en 29 pouces et des pneus en 2.5/2.4, on a l’impression d’être sur un bon vélo d’enduro avec suffisamment de débattement, pas de problème. Pour moi plus de débattement serait inutile !

Les pneus d’origine Maxxis Minion WT en 2.5 à l’avant et 2.4 à l’arrière apportent de la sérénité en descente. La carcasse est épaisse, ce qui donne une bonne adhérence et permet de rouler avec des pressions limitées.

 

 

Lors des EWS, n’ayant aucun objectif particulier et consciente de mon niveau par rapport aux habituées du circuit (je parle des Masters femmes), j’ai roulé en jouant avec le chronomètre bien sûr mais sans pression. L’excitation de l’épreuve toutefois, nous pousse toujours à rouler au maximum de nos capacités et j’ai été remarquablement épatée par le Jekyll 29 1. Le bike reste impassible. J’ai eu l’impression de ne presque pas faire de faute (mais j’en ai forcément fait beaucoup) mais le Jekyll 29 1 en a gommé la grande majorité. Il est stable en ligne droite quand on lâche les freins quelque soit l’état du terrain ce qui rassure énormément et quand arrive dans les parties sinueuses, pas de problème, le Jekyll 29 1 tourne en un éclair et devient ludique à piloter. Je ne me suis jamais sentie en difficulté dans une épingle à cause du vélo. Associé à tout cela des freins Sram Code RSC puissants et précis, on se régale en descente.

 

 

Son comportement en montée, est à dissocier en deux. En liaison, j’enclenchais le mode Hustle (120mm de débattement), et j’ai fait quasiment l’intégralité des liaisons sur le bike alors que beaucoup poussaient volontairement ou pas leur vélo. Il grimpe donc facilement, les pédales ne touchent pas le sol et le plateau en 30 s’adapte à la majorité des inclinaisons ! Pour moi, c’est l’idéal.

En spéciale, lors des coup de culs, il est réactif, le coup de pédale est bien efficace et grâce à ces 29 pouces le franchissement est amélioré. Je n’ai enclenché le mode Hustle uniquement dans les relances longues. Je manquais de coordination pour les passage plus courts et accidentés mais ce n’était pas gênant. Toutefois, je dirais qu’il manquerait un poil de nervosité. Cependant, il est vrai que les pneus en 29 2.5 et 2.4 sont lourds à emmener. C’est donc au pilote de savoir s’il préfère plus de sécurité, sérénité en descente et être plus efficace au pédalage ou l’inverse.

 

 

Les points positifs

On retrouve d’origine une protection de cadre en carbone sous le bike et des films protecteurs pour les points sensible aux frottement qui permettent de garder son bike en bon état.

 

Le plateau en 30 associé d’une transmission Eagle X01 12 vitesses est pour moi une bonne base pour exploiter le Jekyll 29 1 aussi bien en All Mountain qu’en enduro.

Le débattement de la tige de selle est suffisante pour les cadres de petite taille avec 125mm, ce qui n’est pas toujours le cas.

Le cintre carbone est large avec ses 780mm. Pour ceux qui aiment tant mieux et pour les autres, il est possible de le couper (attention, il faut avoir l’appareillage nécessaire).

 

 

Les points négatifs

J’ai noté l’absence de système antidéraillement d’origine qui me semble indispensable pour l’ambition de Jekyll 29 1. La protection de cadre contre le battement de la chaîne sur la base arrière est trop courte.

Le cadre s’abîme vite à cet endroit et la chaîne peut faire du bruit par moment. Je pense également que Cannondale aurait pu essayer d’alléger un peu l’ensemble en mettant une selle et une potence plus légère par exemple.

 

 

Verdict

Le verdict ?! J’ai réalisé une de mes plus belles courses ! Je ne pensais jamais pouvoir aller jouer dans la tête du classement chez les féminines de + de 35 ans (alors que j’en ai 42 🙂 ). Et pourtant le premier jour, je finis à 1s de la Néo-Zélandaise (une des leaders du classement général) et au final je gagne avec 9s d’avance à la fin du deuxième jour. C’était juste incroyable pour moi surtout dans les conditions de courses en solo avec un nouveau vélo et avec des concurrentes qui n’ont rien lâché. Tout s’est joué à chaque spéciale à quelques secondes près.

 

 

Imaginons si je n’avais pas eu un bon enduro, simple, efficace : je pense que je n’aurais pas été aussi performante et régulière sur l’ensemble des spéciales. Le Jekyll 29 1 m’a apporté de la stabilité et de la vitesse par son comportement serein. J’ai pris du plaisir à rouler en confiance et je ne me suis jamais sentie « trahie » par une mauvaise réaction du bike.

Reste que je m’interroge. Aurais-je découvert quelque chose de plus en poursuivant ce test de façon plus approfondie ? En attendant, j’ai l’impression que le Jekyll 29 1 conviendra quoi qu’il arrive à la grande majorité des rideurs et des rideuses !

 

 

Et ton regard sur les EWS alors…

Pour avoir participé à cette course en solo, sans mécano, ni personne avec qui rouler pour les recos et en mangeant/dormant en mode camping dans mon véhicule, je pense que j’ai vécu cette aventure comme la plupart des participants hors Élites. C’est peut être d’ailleurs cette approche assez relax qui m’a permis de rouler sans me prendre la tête et qui s’est révélée la plus payante à la fin.

 

 

En tout cas, les EWS est une grosse organisation, bien huilée, mais finalement qui n’est pas si différente de nos beaux enduros nationaux. C’est le même principe sauf qu’il y a plus de concurrents avec un très bon niveau, des étrangers, des timings bien précis, un beau paddock avec des exposants et les stands des teams et un système d’information/communication très poussé. Le parcours est tout de même engagé, technique et il se déroule dans les plus beaux spots du monde. Rien n’est laissé au hasard ! Par contre, les top pilotes sont gérés à part, on ne les voit pas beaucoup et on ne roule pas avec eux.

Je dirais que ce qui diffère le plus est surtout le public sur le bord des spéciales. On s’en rend compte sans pouvoir y faire attention mais j’ai eu le sentiment que ça nous force à nous concentrer encore plus et ça motive jusqu’à la ligne d’arrivée !

Et que dire des photographes, on a l’impression que l’on va pouvoir avoir pleins de souvenirs de ces instants et là c’est la grande désillusion ! Il n’y en a que pour les top pilotes ! Impossible de trouver une seule photo et pourtant des flashs, il y en a eu… d’où l’absence de photo de course pour cet article !

En tout cas, si un jour vous pouvez y participer, n’hésitez pas c’est une belle aventure pour laquelle il faut se préparer. J’espère juste que dans les années à venir tous les pilotes pourront avoir au moins une photo et que la catégorie hors Elite sera encore mieux considérée et mise à l’honneur car quelque part tout le monde se donne au maximum et fait sa course. Sans eux, pas sûr que les EWS pourraient exister !