Entre les chiffres – EWS Ainsa 2018, rien n’est joué !

Cette manche espagnole des Enduro World Series 2018 fût aussi rude que le vainqueur ! Longue, chaude et éprouvante. Richie a tenu bon. Cécile a aussi gardé son rang. Les leaders du week-end ont imposé leur rythme, mais l’ont-ils fait de bout en bout ? N’ont-ils jamais été perturbés ?

Une nouvelle fois Entre les chiffres est là pour analyser les résultats et pouvoir ainsi découvrir et comprendre certains faits de course, les stratégies de chacun, etc. Place donc aux chiffres, en quelques lettres…

 


Temps de lecture estimé : 10 minutes – Photos : Enduro World Series


 

Au sommaire de cet article :

 

Format de course

Comme toujours, l’indispensable analyse du format de course. Elle permet de visualiser un peu mieux les conditions de la course, le terrain et de ce fait, de comprendre, parfois, les résultats !

Mis à part la SP5, toutes les autres spéciales peinent à dépasser les 150m/km. La SP1, avec seulement 120m/km, rentre dans la catégorie des spéciales les plus plates de l’année et au vu de la vitesse moyenne, très certainement aussi dans la catégorie des plus lisses !? Des moins techniques ?!

Clairement, Ainsa nous réservait des spéciales particulièrement peu pentues, plates ! Elle devient ainsi la manche la plus plate de la saison 2018 devant la manche française à Olargues. Tient… Étrange ! Ne serait-ce pas le même vainqueur ?

 

 

Tous les quatre devant !

En effet, comme à Olargues, Richie Rude a dominé d’entrée de jeu. L’évolution des écarts le montre. La courbe de Richie n’est jamais recoupée. Elle reste, tout comme lui, la référence permanente, immuable, indestructible du week-end. A croire que sa puissance le rend imbattable lorsqu’il faut l’exploiter sur les plats…

Dès l’entame du match, Rude prend les devants. Derrière Martin Maes s’offre un nouveau duel, mais cette fois avec Damien Oton. Leurs courbes sont proches, se croisent pour finalement s’éloigner à l’avantage du Belge. Comme si Martin avait besoin de dualité pour pouvoir se surpasser, pour aller chercher ses limites, en fait pour prendre des risques !

On remarque que la courbe de Kevin Miquel n’est jamais recoupée de toute la course. En cavalier seul tout le week-end, il est le seul rescapé derrière le trio de tête et le troupeau d’affamés un poil plus agité.

Mais encore une fois, ce qui me surprend le plus reste la courbe ascendante de Martin en fin de course. Il est de nouveau le seul à avoir une courbe montante le second jour, comme à Petzen, comme à La Thuile… En plus de dualité, aurait-il besoin de temps pour prendre confiance et lâcher les chevaux au même titre que le reste du troupeau ? Voyons ce que nous dit le rythme…

 

 

La fougue belge

Pourquoi enchaîner sur le rythme en spéciale ? Et bien simplement parce qu’il nous révèle encore quelques faits intéressants sur le jeune Belge. A croire qu’Entre les chiffres permettrait de décrypter le profil, le vrai visage des pilotes ! Une arme scientifique..?!

La courbe de Martin est la plus plate de toutes. Elle traduit une régularité hors norme ou plutôt une polyvalence hors pair ! En fait, quelque soit le type de spéciales, plate ou pentue, longue ou courte, etc. Martin est à l’aise partout !

De plus en SP4 et 6, il gagne. Sur ces deux chronos, sa courbe se détache énormément des autres. Donc quand il gagne, il n’y va pas avec le dos de la cuillère ! Il donne tout. Soit c’est un run parfait, soit… ça me laisse penser, en plus de ses passages rocambolesques en spéciale, qu’il prend des risques. Toutes proportions gardées, tel un chien fou, il ne lâche pas le morceau tant qu’il n’est pas au tas. Ça passe ou ça casse ! Mais, pourvu que ça dure.

Ce graphique révèle aussi de nombreux pics, notamment pour Sam Hill en SP2 et 5, et pour Yoann Barelli en SP6. Puis dans une moindre mesure pour Damien Oton en SP6, où en fait toutes les courbes forment un creux. Tout simplement parce que le chrono de Martin écrase, assomme, et finalement rabaisse tous les autres. Seul Richie et José Borges s’en tirent bien. Bref voyons de plus prêt…

 

 

Evolution au classement

Rien à redire aux avant-postes : la courbe de Richie Rude plafonne, il domine. La courbe de Martin Maes croise une bonne fois pour toute celle de Damien Oton, mieux parti, mais qui subira la montée en puissance habituelle du second jour du jeune Belge.

Et Kevin Miquel tient sa quatrième position de bout en bout. Sa courbe est plate et isolée. Il ne croise personne et personne ne le dérange. Il signe donc, dans une grande discrétion, sa plus belle performance en EWS : quatrième !

Derrière eux, beaucoup de courbes s’entremêlent tout au long du week-end. Jesse Melamed, Dimitri Tordo, Florian Nicolai et José Borges se livrent bataille pour la cinquième place. Un intense mano a mano que Florian Nicolai remporte finalement. Il s’adjuge la cinquième place devant José Borges, puis son teammate Dimitri Tordo. Plutôt bien parti, Jesse Melamed s’offre une belle huitième place. Un retour aux affaires tonitruant !

Derrière, le leader du général crève dans la SP2, d’où une courbe descendante avant puis ascendante après cette spéciale. Cependant il y a plus intéressant à tirer de cette courbe. Elle est certes ascendante en fin de première journée mais moins pentue qu’en seconde journée. Il avait bien l’occasion de grappiller plus de temps sur 3 spéciales le dimanche que sur uniquement 2 spéciales le samedi. Mais ces remarques me laissent plutôt penser à une très bonne gestion de la course, et surtout de la pression du résultat pour le général.

Comme si, en fin de journée le samedi, il roulait, mais sans prendre trop de risque pour éviter à nouveau un incident mécanique et sombrer trop loin dans le classement. Il profite plutôt du dimanche pour se refaire. Le dicton « Demain est un autre jour » prend tout son sens ici. L’Australien laisse passer la tempête. Il prend du recul, assume son erreur et corrige le tir. A l’image de son week-end où il semble en dedans pour mieux rebondir ensuite… À Finale, pour la fin du spectacle ?!

L’autre à subir des ennuis mécaniques, c’est Yoann Barelli. Plutôt dans le coup une nouvelle fois, sa courbe marque la dixième position. Mais elle s’effondre ensuite, d’un coup ! Effectivement, il casse son dérailleur dans la SP6, la plus physique et la plus pédalante du week-end. La sanction est lourde au chrono comme au classement. Sa courbe reste plate ensuite, sans passage au paddock, il doit terminer en draisienne dans la dernière spéciale.

 

 

Portrait robot

Le tableau des places par spéciales confirme nos impressions…

Pour Yoann Barelli les cases s’éclaircissent en fin de journée. Elles confirment. Il subit le sort de sa casse mécanique sur les deux dernières spéciales. Un nouveau Top 10 s’envole.

Plusieurs cases sombres se démarquent sur la très physique SP6 : Borges, Melamed, Callaghan et Keene surtout. Et oui, Entre les chiffres dresse littéralement le profil de chaque pilote. Ceux-là, ils ont la forme, de gros caissons et un coeur qui pulse fort 😉

Finalement deux autres cases sautent aux yeux. Une sombre en SP5 pour Sam Hill. Il signe là son meilleur chrono : 3ème de la spéciale. Et pas n’importe quelle spéciale : la plus pentue, la plus raide ! Il confirme ici son aisance technique.

L’autre, c’est la plus claire de Dimitri Tordo : en SP6. Petit gabarit, gros vélo, Dimitri Tordo, comme il l’a toujours dit, n’affectionne pas forcément les zones roulantes, les parties de pédales

 

 

U21, ça bouge

Un Français en cache toujours un autre…

La courbe de Théotim Trabac reste au sommet tout au long du week-end, jusqu’à l’application d’une pénalité d’une minute pour être arrivé en retard au départ d’une spéciale. Même si c’est à la première spéciale qu’il se voit attribué cette minute de pénalité, nous avons décidé de l’appliquer au dernier moment pour mettre en évidence sa véritable domination.

C’est ainsi que Louis Jeandel en profite et pointe en tête pour remporter sa première manche chez les U21. Mais a-t-elle moins de saveur qu’à la régulière ?

Certes, cette victoire a un goût différent d’une victoire remportée à force de combat ou au bout d’une domination sans faille, mais Louis Jeandel ne démérite pas pour autant. Certains points le démontrent.

En effet, les cases foncées en SP2 et 3 le prouvent. Louis Jeandel empoche ces deux spéciales à la régulière, devant l’officieux dominateur vosgien. L’opiniâtreté paye, Louis joue tout de même souvent aux avant-postes. Il en sort victorieux devant Nathan Secondi et le leader du général, Elliott Heap, tout juste soigné après une semaine malade !

On note aussi la contre performance d’Eliott Baud en début de week-end : 13ème et 12ème des deux premières spéciales. Il retrouve heureusement son pilotage et ses capacités puisqu’il engrange trois secondes places ensuite. Ouf ! Pas facile d’être régulier sur une saison complète…

 

 

Filles, ça bouge moins

Encore une fois, l’ultra domination de Cécile Ravanel ne me facilite pas la tâche. Tout de même quelques faits de course intéressants…

La reine Cécile prend les rênes dès le début. Si personne chez les hommes n’a vraiment tiré profit de la première longue spéciale, Cécile, elle, y engrange presque la moitié de son avance qu’elle aura en fin de week-end sur Isabeau Courdurier, soit 25 secondes sur 56 au total.

D’ailleurs la courbe d’Isabeau est ascendante en fin de week-end. Sans décrédibiliser la performance d’Isabeau, c’est comme si Cécile jugeait avoir assez d’avance pour lever le pied, éviter la chute et la casse, assurer la victoire en somme. Même si elle doit concéder du temps à sa dauphine.

Derrière, l’entame du week-end est serrée. Trois courbes se confondent presque : celle d’ALN, d’Anita Gehrig et de Noga Korem. A la fin de la première journée, seulement 6 secondes les départagent. Finalement ALN profite du second jour pour prendre le large et par la même occasion la troisième place.

L’analyse du rythme en course nous révèle bien les victoires d’Isabeau sur les dernières spéciales, mais jamais de beaucoup : seulement 0,6% d’écart, c’est infime. Une à deux secondes seulement dans ce cas.

Globalement les courbes des poursuivantes de Cécile sont basses le premier jour et un peu plus hautes le deuxième. Ca traduit un rythme différent entre les deux jours. Cécile n’a pas imposé le rythme habituel le dimanche. A-t-elle subit la dure journée du samedi ? Est-ce l’âge vis-à-vis de la concurrence ? Ou plutôt la sagesse de l’âge ?

Compétitrice, elle joue le jeu mais assure tout de même sa victoire, ici, en Espagne, mais aussi le général, qu’elle n’est toujours pas encore assurée de remporter avant la dernière manche…

 

 

Le ranking

En effet, il n’y a que chez les masters que Karim Amour a déjà remporté le général. Mais chez les hommes, les filles et les U21, rien n’est joué ! Tout ne reste pas à faire, mais rien n’est encore gagné, rien n’est assuré. Tout est encore possible !

Dans l’état, après cette pénultième manche à Ainsa, Cécile devance Isabeau de 350 points. Si Isabeau s’impose à Finale, Cécile ne doit pas terminer plus loin que 28ème… Et puisqu’il y aura plus de 28 participantes ! Il faudra assurer.

Sam Hill domine de 440 points. Il était à seulement 61 points de s’adjuger la victoire avant la « der ». Le coup du sort d’Ainsa sauve le spectacle et maintien le suspens… Quoique relatif, puisque si Martin Maes s’impose, Hill doit finir au pire à la 46ème place ! L’aigle catalan Damien Oton – troisième, et premier Français – ne peut déjà plus espérer au titre. Il court après depuis plusieurs saisons, mais il faudra revenir en 2019 😉

Chez les « moins d’21 », si le second du général, en l’occurrence Nathan Secondi, s’impose, le leader, Elliott Heap doit faire 12ème au pire ! C’est aussi dans cette catégorie que les points sont les plus serrés. Même si Théotim est cinquième et ne peut plus espérer accrocher le titre le plus disputé des EWS 2018, la 2ème, 3ème et 4ème position sont débattues… Seulement 110 points d’écart. 110 points c’est aussi la différence entre le gain d’une victoire et d’une cinquième place. C’est pour dire !

 

 

La suite !?

Il reste une manche, la « der des der » ! Finale porte une nouvelle fois bien son nom. Mais qu’en sera-t-il ? Mis à part une possible et palpitante bataille chez les U21, les autres leaders n’ont qu’à assurer pour sortir victorieux.

Mais alors que faire de l’honneur !? C’est un paramètre, un élément tout aussi subtil que délicat à prendre en compte. Comment assumer un titre en terminant la finale dans le paquet, sur la seconde page du classement ? Ce n’est décidément pas l’image qu’on se fait d’un leader ! La gloire est à portée de mainMais faut-il remballer l’égo pour autant ? Qu’en serait-il alors du mérite, de la dignité ?

L’audacieux, et le spectaculaire Sam Hill la jouera-t-il réglo ? Prendra-t-il des risques et fera-t-il honneur à ses fans, comme à la belle époque, pour s’adjuger la saison ? Le spectacle sera-t-il au rendez-vous pour clore cette magnifique saison ? Joueront-ils tous le jeu de la course ? En plus, cette année, Finale Ligure nous réserve quelques surprises. C’est proche, dans quelques jours seulement. C’est ce week-end, alors #stayconnected 😉