EWS de Millau 2017 – Le Journal de Justin Leov

Deux semaines après l’EWS de Millau, Justin Leov revient sur son week-end de course aveyronnais compliqué et humide…

 


Temps de lecture estimé : 5 minutes – Texte : Justin Leov – Photos : Sebastian Schieck


 

Extreme Wet Series 2017

Rien à faire cette année, nous en sommes maintenant à cinq manches des Enduro World Series, toutes courues sous la pluie, y compris celle de Millau, dans le sud de la France habituellement synonyme de soleil et de temps sec.

Le parcours de Millau offrait un mix de terrain très varié et rocailleux avec ces virages serrés typiques du Sud de la France qui se négocient en pivot sur la roue avant. Les liaisons comme les spéciales s’annonçaient physiques, le corps comme le vélo allaient être mis à rude épreuve. Et une fois de plus les prévisions météo ne laissaient rien présager de bon.

J’avais de bonnes sensations durant les entraînements mais je savais qu’avec la pluie, sur ce type de terrain, les risques de chute et/ou d’ennuis mécaniques étaient très élevés et leurs conséquences potentiellement dévastatrices.

La première journée de course commençait sur un terrain particulièrement glissant. La première spéciale présentait un parcours varié, il allait falloir être très attentif pour ne pas perdre le contrôle de la situation dans les sections les plus techniques. À peu près à mi-spéciale, je heurtais un rocher avec ma pédale. Je déraillais et, je ne sais pas si c’est à cause de mon pied ou du rocher mais je constatais avec horreur que mon guide-chaîne supérieur était pratiquement arraché. Je n’avais d’autre alternative que de courir dans les montées pendant le reste de la spéciale et je commençais à penser que mon week-end était déjà terminé.

À l’arrivée de la spéciale je réussissais à retirer les morceaux cassés du guide-chaîne qui étaient encore attachés au cadre et à pédaler la première liaison du jour jusqu’au départ de la deuxième spéciale. Sans guide-chaîne je ne savais pas trop ce qu’allait donner cette spéciale qui était rapide et chaotique, avec une longue montée à mi-parcours. Comme je le redoutais, ma chaîne sautait avant la montée et je devais m’arrêter pour la remettre en place. José, parti trente secondes après moi, me passait alors que j’étais sur le bord du parcours. Je terminais la spéciale tant bien que mal. J’avais maintenant besoin que Larry, le mécano du team Canyon, fasse un miracle lors de mon passage par la zone d’assistance technique.

Le cadre était endommagé et le temps à disposition pour la réparation était vraiment très court mais Larry parvenait à trouver une solution d’urgence : trois colliers d’électricien et un anneau métallique sous la base du cadre feraient office de guide-chaîne ! Le tout était certes bruyant mais en tout cas me permettait de repartir dans les temps et en plus ça marchait ! Je négociais les spéciales 3 et 4 prudemment mais sans dérailler.

Il restait une dernière spéciale et la journée avait été jusque là très éprouvante aussi bien mentalement que physiquement. Personne ne savait très bien à quelle heure nous devions rejoindre le départ de cette dernière spéciale, la confusion régnait et les communications entre l’organisation et les officiels en charge des départs semblaient ne pas fonctionner. Pensant être en retard, de nombreux pilotes se mettaient dans le rouge pendant la liaison. En fait, on nous annonçait, alors que nous atteignons la zone de départ, que le temps d’attente serait d’au moins une demi-heure. La plupart des top pilotes étaient là, dans le froid et la pluie, sans abri, et personne n’avait envie de s’éterniser après déjà six heures de compétition dans des conditions dantesques. Les esprits s’échauffaient, le ton montait et heureusement les départs étaient finalement anticipés.

La dernière spéciale était curieusement celle où l’adhérence était la meilleure : il pleuvait tellement fort que l’eau emportait avec elle la boue qui rendait le parcours jusque là si glissant ! Je déraillais malheureusement une dernière fois et je devais me contenter de passer la ligne d’arrivée en roue libre. Quelle journée !

Les prévisions météo annonçaient un temps plus clément pour le jour suivant… Il n’en fut rien ! Pendant la soirée Larry avait fait un boulot extraordinaire et je savais que je n’aurais plus à me préoccuper de ma chaîne, j’étais super content et motivé.

Les deux premières spéciales de la seconde journée furent courues sous la pluie et dans le brouillard. Difficile de voir le parcours dans ces conditions. Après chaque spéciale je prenais le temps de nettoyer mon masque et de le mettre à l’abri dans mon sac en prévision de la spéciale suivante.

La liaison vers la spéciale 8 ressemblait à un bain de boue en de nombreux points. Cette boue, fluide par endroits, se transformait en véritable « glue » dans d’autres, et il fallait s’arrêter régulièrement pour la retirer avec un bâton et ainsi libérer la transmission ! Je m’élançais dans cette spéciale avec de bonnes sensations mais dans une descente bien raide une racine emportait ma roue avant et je finissais au sol, tête la première sans même avoir eu le temps d’enlever mes mains du guidon. Je me relevais le plus vite possible, redressait mon guidon et réalisais un bon run sur le reste de la spéciale. Frustrant, mais c’est la course.

Pas de stress pour la dernière liaison, les temps de départ cette fois-ci étaient clairs et connus de tous. Les conditions météo et par voie de conséquence celles du parcours, s’étaient améliorées. Pas de chute et pas d’ennuis mécaniques, je réalisais sur cette dernière spéciale le 19ème temps, mon meilleur résultat du week-end. Un week-end incroyablement difficile.

Je finissais cette cinquième manche des EWS à la cinquantième place. Pas de quoi faire des sauts de joie mais bien mieux quand même que le « DNF » que mes ennuis mécaniques laissaient présager dès la première spéciale. Terminer une course comme celle-ci c’est déjà une petite victoire en soi…

Je croise les doigts pour que le temps soit sec et ensoleillé au Colorado !

À bientôt,

Justin