François Bailly-Maitre nous raconte sa période de convalescence

Après vous avoir proposé de revivre l’EWS écossaise au travers du team BMC Factory Trailcrew, on vous livre aujourd’hui le récit complet et détaillé de François Bailly-Maître à propos de sa période de convalescence jusqu’à son retour au top le week-end dernier à La Thuile…

De la blessure à la victoire

Texte : François Bailly-Maître # Photos : BMC Factory Trailcrew/DR/Ian Rutherford

Dimanche 31 Mai 2015 : 3eme manche de l‘EWS en Ecosse

Jour 2, dernière spéciale. Remonté en 12ème place après la SP5, j’espère rentrer dans le top 10 à l’issue de la spéciale 8, dernière du week-end. Je donne tout dans les parties physiques, tellement tout que j’ai du mal à piloter correctement les dernières parties techniques du tracé.

Ne voulant pas perdre une seconde, j’ai peut-être attaqué un peu trop compte tenu de mon état de fatigue. Sur une rupture de pente qui précédait une relance, j’ai essayé de freiner le moins possible. Fatigue, trop de vitesse, manque de synchronisation ? Je saute bien trop loin et essaie d’éviter la chute mais c’est raté.

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Je me relève assez vite, mais au moment de reprendre mon Trailfox je sens que quelque chose ne va pas. Je m’arrête donc de nouveau quelques instants, ensuite je décide de prendre mon bike et de rejoindre l’arrivée à pied.

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Direction les urgences de l’hôpital local pour des examens. L’attente a été longue, 6h. Une radio et un scanner plus tard,  je tiens finalement le diagnostic : fracture de l’omoplate avec déplacement. J’avais espéré qu’il n’y ait rien de cassé et qu’il ne s’agissait que d’une grosse contracture… Malheureusement, on m’annonce entre six et huit semaines d’arrêt.

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Malgré un inconfort incontestable et l’impossibilité de faire quoi que ce soit avec le bras gauche, je n’ai pourtant aucune douleur.

Retour en France dès le lendemain et prise de rendez-vous chez un chirurgien de l’épaule. Dans l’attente de son diagnostic, je préfère ne rien espérer, surtout que j’ai l’impression de voir l’évolution de jour en jour.

Lundi 8 juin 2015 : Rendez-vous chez le chirurgien

En sortant, me voilà plutôt rassuré. L’omoplate ne s’opère pas. Il faut laisser faire Dame Nature. Quelques séances de kiné pour décontracter les muscles opprimés au niveau de l’épaule (deltoïde en particulier) devraient faire l’affaire.

Je suis autorisé à reprendre gentiment le Home Trainer et le vélo de route. Vu que je n’aime pas tellement la première option, je la délaisse au profit du vélo de route.

Pendant tout ce temps, il faut ne pas s’endormir, l’Enduro Jura by Julbo approche à grand pas. Il y a beaucoup de travail à faire en rapport à l’organisation et surtout beaucoup de travaux physiques sur le terrain (nettoyage des sentiers, balisage, installation, etc.). Pour ne pas fatiguer mon épaule, j’accompagne les bénévoles, Benjamin en particulier, devenu mon assistant de luxe, tous les jours pour valider avec lui certaines options.

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Du coup étant très pris dans l’organisation, je ne vois pas le temps passer et l’évolution est très positive. Je retrouve de la mobilité et de la force avec mon bras gauche. Ma plus grosse frustration aura finalement été de ne pas rouler en tant qu’ouvreur sur ces spéciales préparées aux petits oignons. J’ai dû me contenter du porte-voix…

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Samoëns, EWS #4 : mon objectif

Depuis ma chute, je n’espère qu’une seule chose : être remis à temps et suffisamment tôt pour être compétitif à Samoëns. J’y ai remporté deux victoires en Coupe de France ces deux dernières années. Le terrain me convient donc particulièrement bien (surtout son côté gras et boueux). Samoëns, c’est LA manche de l’EWS que j’ai coché en début de saison. Autant dire que je serais déçu de ne pas pouvoir être au départ.

Mercredi 17 juin : Retour sur le vélo

Un peu plus de 15 jours après ma chute, je suis de retour sur mon vélo de route. Je ne suis pas encore très vaillant quand il s’agit de faire des sprints ou des relances à vive allure, mais je suis content de pouvoir reprendre l’entrainement.

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Les jours qui suivent, mon épaule réagit de mieux en mieux, je sens de moins en moins de gêne. Les séances chez le kiné ont été efficaces et les exercices de rééducation bénéfiques.

Jeudi 25 juin : Premier essai à VTT

Je décide de tenter une sortie VTT sur le bike park de Longchaumois. Je connais les trails à la perfection, si je dois me tester, c’est sur ceux-ci. Au début, je suis très timide et n’ose pas attaquer. J’ai peur de la chute et un manque de confiance au niveau de l’épaule. Mais je reprends confiance très rapidement. Une fois la gêne psychologique évacuée les sensations reviennent, quel bonheur de rouler son bike dans les bois !

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Les deux jours suivants, je n’ai pas pu m‘empêcher d’y retourner. Je reprends vraiment de la confiance et du plaisir, un carburant indispensable !!

Lundi 29 juin : 2ème rendez-vous chez le chirurgien

J’aurais dû attendre cette visite pour reprendre le VTT n’ai pas pu résister.  Heureusement, les résultats sont bons. J’ai retrouvé de la liberté dans les mouvements et je peux mobiliser mon bras. Il manque encore un peu de force mais ça reviendra petit à petit. Seul bémol et chose à éviter bien entendu : les chutes et des sollicitations violentes des muscles de l’épaule. Il faudra encore rouler prudemment pendant quelques semaines.

Bien que reconstruite, l’omoplate c’était avant (les médecins disent scapula désormais) est encore fragile ; le temps de consolidation d’un os étant plus proche de trois mois que d’un !!

4 au 6 juillet : Stage avec le BMC Factory Trailcrew dans les Alpes

Petit passage à Samoëns sur les trails du bike park histoire de prendre un peu la température et surtout de profiter un maximum du terrain de jeu. Les trails y sont incroyables, dignes des plus belles stations du monde. Je l’ai d’ailleurs renommé « French Whistler » !

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Mes coéquipiers Flo, Loraine et Kerstin m’accompagnent. Nous avons roulé le samedi après-midi dans des conditions exceptionnellement sèches. Le grip est grandiose, les racines n’étant pas cette fois des monstres destinés à vous mettre au sol. On s’est vraiment régalé.

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Le lendemain direction Morzine pour rouler des pistes permanentes, s’améliorer dans les virages relevés et prendre de l’aisance sur les jumps. C’est chose faite, la journée était bien remplie et m’a fait du bien, autant moralement que techniquement. Mon épaule ne me gêne absolument pas. Je ne prends pour autant aucun risque, pas question de tomber.

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10 au 12 Juillet : Coupe d’Italie Enduro à La Thuile

Pour être compétitif à Samoëns, il me semble indispensable de courir avant. La Méga, initialement prévue à mon calendrier ne me paraît pas être l’idéal pour une reprise. Je ne peux toujours pas me permettre de tomber. L’envie d’aller rouler à La Thuile est là et l’avis de mes coéquipiers et de mon entraîneur Yvan Clolus me pousse à choisir cette option. Le mardi 7 juillet, je m’inscris pour cette Coupe d’Italie à La Thuile, là où termine deuxième l’an passé en EWS.

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J’arrive le vendredi pour faire quelques recos des tracés, important pour pouvoir être compétitif. Un run pour chaque spéciale sera le minimum syndical.

J’espérais retrouver dès mon premier run la fluidité que j’avais gardé en souvenir. Mais ce n’est pas gagné… Je ne suis pas  très rassuré. Ca tape pas mal compte tenu du terrain hyper sec, le contraste est marquant avec l’an passé, les trous sont plus profonds et les appuis plus fuyants.

L’objectif de mon weekend est de rester sur le vélo et d’essayer de trouver un maximum de fluidité. Je vais éviter d’attaquer à 120 % et de me mettre limite à chaque virage. Par contre, physiquement je vais essayer de tout donner, pas d’excuses, l’omoplate ne m’empêche pas de pédaler !

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Je bichonne mon Trailfox et après une bonne pizza et un tiramisu, Italie oblige, et une nuit réparatrice, me voici au départ de la SP1, pas la plus facile et pas forcément la spéciale rêvée pour attaquer, mais quand faut y aller, faut y aller. La spéciale est très physique et parfois cassante, ça va être difficile de rester consistant de haut en bas. C’est pourtant l’objectif. Je m’en sors finalement pas mal. Je commets quelques erreurs tout de même mais l’objectif n’est pas loin d’être atteint : pas de grosses frayeurs, je suis dans les bonnes lignes et les sensations sont bien meilleures que la veille. Les recos ont été bénéfiques.

La journée se poursuit pas la SP2, qui se passe sans encombre : bonnes sensations et une impression de vitesse tout en étant propre. A l’arrivée, le chrono est moyen et je ne me l’explique pas trop mais ça fait partie du jeu. Place à la SP3, encore un gros morceau physique et long. Je m’en sors très bien avec la victoire à la clé, par la même occasion je reprends du temps au leader Nicola Casadei.

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En fin d’après-midi, je suis le Tour de France à la télé et verse une petite larme en voyant Alexis Vuilllermoz, mon ex collègue d’entrainement quand je courrais en XCO, remporter l’étape du jour.

Le deuxième jour, deux spéciales sont communes à celles du samedi (la 5 et la 6, toutes les deux très physiques). Je ne change pas de politique, objectif fluidité et efficacité !

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Ça semble payer. Dans la SP4, vraiment très raide, et dans un tapis de poussière je signe le 2ème temps derrière Ludo May qui revient lui aussi en forme ! L’écart se réduit encore avec Nicola. Sur la SP5 (la 1 du samedi) je me régale, mes lignes sont meilleures et j’essaie d’être efficace au pédalage.  Mais la fatigue commence à se faire sentir surtout au niveau des bras qui brûlent plus tôt que la veille. Il reste encore la SP6, et avant la dernière spéciale il ne reste plus que 0,18 sec qui me sépare de Nicola. C’est hallucinant d’avoir de tels écarts après 40 min de course !

J’ai maintenu le cap et la régularité tout au long de la dernière spéciale. Ça me permet d’aller chercher la gagne pour deux petites secondes ! Je suis tellement heureux !

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J’ai presque oublié que je revenais de blessure, le moral est au beau fixe. C’est de bon augure pour la semaine prochaine à Samoëns. Vivement samedi !

François