Texte : Théo Galy # Photos : Quentin Chevat/Antoine Bussier
Team Scott La Clusaz
Le nouvel événement Biivouac a fait sensation ! Depuis son annonce ce raid de trois jours me faisait rêver. Scott étant partenaire de l’événement je me suis rapidement proposé pour représenter les couleurs Scott au Biivouac. Il ne manquait plus qu’un coéquipier puisque, grosse particularité de cette course, elle se dispute par équipe de deux ! Un coup de fil à Thomas Lapeyrie, lui aussi membre du team Scott-La Clusaz et hop le binôme est formé.
Le concept de cette épreuve est assez original, la course se déroule en itinérance pendant trois jours ; il y a quatre spéciales les deux premiers jours et trois le dernier. Comme son nom l’indique, le soir c’est un bivouac : les 64 équipes engagées dorment sous la tente ! Chaque jour nous avons un parcours à effectuer, plus ou moins 30km pour environ 1000m de dénivelé positif et 2500m de négatif. Durant les parcours il y a des liaisons à vélo et en bus, puis des spéciales qui sont chronométrées par un nouveau système très efficace. Ce dernier est composé d’un boitier électronique au départ et à l’arrivée des spéciales ; chaque équipe possède une puce qu’il suffit de passer sur le boitier pour déclencher le chrono au départ et le stopper à l’arrivée. Un commissaire est placé à l’arrivée de chaque spéciale pour vérifier que le chrono n’est stoppé que lorsque les deux membres de l’équipe sont arrivés.
Tout commence à Millau où l’ensemble des équipes se retrouvent jeudi après-midi pour le retrait des plaques. 17h les bagages et les vélos sont chargés dans les bus et les camions. Nous laissons nos véhicules sur place pour partir trois jours avec une prise en charge totale par l’organisation. Quelques minutes plus tard nous arrivons sur le causse. Nous descendons du bus perdus en pleine pampa, le bivouac est déjà en place. Les tentes sont montées et les matelas gonflés. Le repas est servi dans une vieille bâtisse rénovée classée gîte de France. Pendant le repas les discussions vont bon train : tout le monde est impatient de savoir ce qui nous attend pendant ces trois jours de ride. A la fin du repas Greg Noce prend le micro quelques instants histoire de nous mettre l’eau à la bouche en nous expliquant le programme de ce long week-end. Ensuite direction la tente, dehors le froid est glacial, il y a des bourrasques de vent accompagnées d’averses. Cette première nuit sous la tente s’annonce rude. Et pourtant le lendemain matin tout le monde pète la forme, hyper excité d’aller poser les roues sur ce spot qui a l’air splendide. Le petit déj’ copieux est englouti au chaud ; heureusement pour nous car la température extérieure flirte avec le zéro degré ! Nous vidons les tentes et hop nous enfourchons les bicyclettes pour le départ de la première liaison. Une petite demi-heure après Thomas et moi sommes au départ de la spé 1. Le paysage est grandiose, il y a quelques rayons de soleil qui percent un ciel menaçant. Il fait très froid au départ de cette première spéciale, des flocons nous tombent même sur la tête ! Ça y est, Thomas et moi sommes sur la ligne de départ. Thomas ouvre la voie, ça part vite sur ce début de spéciale physique, le sentier est tortueux, les virages s’enchaînent entre les buis très serrés. Avec Thomas nous roulons propre, pas de faute, pas de folie, nous arrivons en bas avec une banane jusqu’aux oreilles. C’est tellement bon de rouler à deux ! La deuxième liaison est assez longue, nous avons bien pédalé pendant une grosse heure avant d’être au départ de la spé 2. Cette fois-ci c’est moi qui ouvre la marche et, comme à mon habitude, je pars à bloc, ça roule très vite sur le haut puis je loupe la première épingle. Je repars plus tranquille mais Thomas n’est plus avec moi, je ralentis. Ça y est il est de nouveau derrière, pour lui faciliter la lecture du terrain je lui annonce les épingles, nous arrivons en bas encore une fois avec un large sourire. Thomas avait pris un peu de retard car il est tombé ; dans sa chute la durite de sa tige de selle télescopique s’est arrachée. Il faudra qu’il finisse la journée comme ça ! Il est midi, un bon repas nous attend au bord de l’eau, dommage qu’il fasse si froid.
Tellement froid que nous finissons tous au troquet du village, entassés pour avoir un peu de chaleur. Le patron du bistrot ne sait plus où donner de la tête, les commandes tombent par dizaines ! Vers 13h30 un bus nous emmène au départ de la spé 3, avec Thomas nous partons sans tarder. J’ouvre à nouveau la piste. Le sentier est hyper rapide sur le haut, ça fuse dans un couloir formé par une haie de buis très dense et à la sortie d’une courbe, surprise : deux randonneurs au milieu du chemin avec leur deux chiens !! J’attrape les freins mais j’ai trop de vitesse, les randonneurs se poussent tandis qu’un des chiens tétanisé reste au milieu, j’arrive à passer à moitié en sautant à moitié en lui roulant dessus. Grosse chaleur !! Juste après mon passage le chien s’intercale entre Thomas et moi, Thomas reste bloqué derrière lui. Je trace sans savoir que Thomas n’est plus là. Quelques mètres plus loin je déraille, je dois m’arrêter pour remettre la chaîne, Thomas me rattrape.
Nous repartons ensemble à fond pensant combler le retard, sauf que je n’avais pas prévu une grosse partie physique au milieu de la spé ! J’explose littéralement et finis la spéciale sur les rotules. Pour le coup je ne suis pas très content à l’arrivée. Nous n’avons pas eu de chance sur cette troisième spéciale. Durant la liaison avec Thomas on se ressaisit en se disant que la course est encore longue et que rien n’est fait ! Au départ de la spé quatre je dis à Thomas d’ouvrir, avec la colère que j’avais je serais parti trop vite. Thomas part donc devant, nous roulons très vite sur cette dernière spéciale de la journée, en bas le sourire est de nouveau là. La dernière liaison se fait en bus, nous passons de l’autre côté de Millau où nous dormons cette fois-ci dans un camping.
En arrivant sur place le campement est déjà installé, nous n’avons plus qu’à nous doucher pour ensuite nous retrouver au repas. A la fin du repas l’ambiance monte d’un cran à l’annonce des classements ! Avec Thomas nous sommes second à 1 minute des premiers – les BMC (François Bailly-maître et Florian Golay) – sachant qu’on prend 50 secondes sur la spé 3. Juste derrière nous l’équipe Giant (Nicolas Filippi et Yoann Barelli) est à 40 secondes. Thomas et moi nous sommes contents de notre journée.
La deuxième nuit dans la tente est pour ma part meilleure que la première : en fond de vallée les températures sont bien plus douces !
Le second jour de ride s’annonce épicé : dès le matin, la pluie tombe sans discontinuer. Au moment du déjeuner Greg nous annonce que la journée est modifiée à cause de la météo : la spé trois est annulée, en contrepartie nous ferons deux fois la spé deux. Nous partons à vélo pour la première liaison vers 9h. Après une bonne heure de montée nous arrivons au sommet. Les averses de neige sont fréquentes. Thomas ouvre le bal sur la spé 1, nous partons sur un petit tempo. Les doigts sont gelés et le terrain est boueux. Nous avons de bonnes trajectoires, nous ne faisons pas de faute.
Au détour d’un virage l’équipe BMC partie 30 secondes devant nous est à l’arrêt pour problème technique. Nous apprendrons en bas que François a cassé son dérailleur. Ils perdront environ quatre minutes avec cet incident. Durant la deuxième liaison en bus je fais le bilan avec Thomas, après la spé 1 nous avons pris la tête du classement, donc à partir de maintenant pas besoin de s’affoler. Il faut surtout éviter les casses mécaniques. Nous voilà au départ de la deuxième spé, la pluie semble s’atténuer. Je prends les devants, quelques tours de pédale avant de plonger sur un super beau trail, le premier virage me surprend un peu mais je m’en sors bien, en revanche Thomas sort droit. Ça tombe bien je me tartine la tronche une cinquantaine de mètres plus loin : Thomas revient dans ma roue.
Nous finissons le run sur un très bon tempo. Puis direction le repas au chaud au camping. La salade de pâtes fait du bien par là où elle passe, j’avais une faim de loup ! Un café bien chaud et hop c’est reparti. La première liaison de l’après-midi se fait en grande partie en portage, rien de mieux pour se réchauffer.
Le soleil revient gentiment, nous voilà au départ de la spé 3, je suis bien entamé par ce gros portage. Thomas part en tête sur cette spéciale, il restera devant seulement deux minutes avant de se sortir dans un virage. J’en profite pour passer, je soude tant que je peux avant moi aussi de me la coller dans une épingle. En me relevant je fais tomber Thomas qui était en train de passer à nouveau devant : là, franchement on a l’air de deux idiots !! Nous repartons en catastrophe pour finir cette spéciale super technique.
A l’arrivée nous ne sommes pas fiers de nous. Allez un peu de courage, ce n’est pas si grave et il reste encore une spéciale. Dernière liaison en navette pour la spé quatre que nous avons déjà fait en spéciale deux. J’ouvre ce dernier run plein gaz, je l’avais bien mémorisé lors du premier passage, je rectifie les trajectoires, Thomas ne fera pas de faute et moi je ne tomberais pas. On s’est vraiment fait plaisir sur cette dernière descente. Sans plus tarder nous filons aux douches, nous sommes les premiers arrivés : pas questions de laisser la place ! (eh oui esprit compèt jusque dans les douches…) Une fois propres nous embarquons dans les bus qui nous emmènent au dernier bivouac du week-end. Le campement a été établi sur le causse, les températures s’annoncent donc fraîches. Nous prenons le repas dans une grange tout juste couverte d’un toit et très peu isolée. Malgré le chauffage prévu par l’organisation il fait très froid dans la salle, je pense vite expédier le repas pour aller rejoindre mon duvet. Petit à petit l’ambiance monte, nous sommes quichés comme des sardines dans cette salle et le repas tarde à arriver, mais ça vaut le coup d’attendre : au menu ce soir de l’aligot et de la saucisse ! Le micro n’est pas loin de la table, un certain Yoann chipe le micro. Thomas grand musicien et fan d’harmonica sort aussitôt son instrument, Yoann tient le micro pendant que Thomas nous joue un morceau. Ce fut bref : le public n’a pas apprécié les immenses qualités artistiques de mon partenaire !! A table tout le monde rigole, l’ambiance est vraiment au top ce soir là.
A la fin du repas Greg nous annonce les classements de la journée, il commence par les derniers, à chaque équipe annoncée tout le monde applaudit puis il remonte jusqu’à la première place que nous avons décrochée. Là tout le monde se met à crier, la salle s’enflamme alors que Thomas danse la java ! Je reçois une rafale de noyaux d’olive pleine tête, bref une ambiance de cantine comme je les aime. En fin de soirée nous regardons ensemble les photos et vidéos des deux premiers jours sur grand écran. J’ai eu un grand moment de solitude quand je me suis vu à l’écran pris en photo la tête par terre.. C’était vraiment une soirée top, je me suis amusé comme un gosse. Mais il est déjà 23h et il reste encore une dure journée, il est temps d’aller au lit.
Au petit matin je me sens comme mâché, le matelas sur lequel nous avons dormi est à plat. Mais je ne garde pas la grimace très longtemps, dehors le soleil brille même s’il fait encore un peu frisquet : ce matin le champ est tout blanc ! Petit déj’ dans la salle, tout le monde traîne les pieds c’est le dernier jour et ça se sent. On se change en plein soleil, ça fait du bien.
Chacun prend son temps, nous tardons à partir. La première liaison du jour est assez cool, tant mieux je suis fatigué. Thomas est chaud pour ouvrir la première spéciale, aujourd’hui il s’agit de bien gérer la journée. Nous sommes en tête du général avec un petit peu d’avance il ne faut surtout pas casser maintenant. Au départ de la spé 1 nous sommes relax, Thomas part sur un bon tempo, le long plat du début me pique les jambes, je suis dans le dur à l’arrière mais je reviens dans les parties descendantes.
La fin est très rapide et piégeuse nous finissons gentiment le run. Super cette petite spéciale, la première du week-end sous un soleil radieux. Liaison suivante en bus, et comme d’habitude les cancres sont au fond, je retrouve donc très naturellement mes collègues (je ne citerais pas de nom, ils se reconnaîtront). Au départ de la spé 2 je suis pressé d’être en bas où le repas nous attend car j’ai super faim, je booste un peu Thomas pour qu’on parte rapidement. Ce coup-ci on part fort, il y a très peu de pédalage sur cette spéciale, sur le haut de la descente en crête il y a deux sauts. Avec Thomas on tire comme deux idiots pour s’envoyer au maximum, on manque de louper le virage suivant mais ça c’est un détail…
Le reste de la descente s’enchaîne parfaitement. Encore une fois c’est trop bon. Je trace au repas, mon ventre crie famine. Nous mangeons au bord de l’eau mais cette fois-ci avec le soleil. La salade de riz avec les légumes farcis m’ont bien rassasié, je m’endors à moitié sur la pelouse en plein soleil : c’est juste parfait ! Mais à un moment il faut bien repartir pour la dernière spéciale du week-end qui, paraît-il, est dantesque. Une grosse partie de la liaison se fait en bus, nous pédalons une quinzaine de minutes pour nous chauffer avant de rallier l’ultime départ du week-end. Au sommet c’est magnifique, le départ se fait dans les genêts. Thomas prend une dernière fois les devants, il part sur un gros tempo dans la première montée, je ne tiens pas son rythme. Il prend quelques mètres d’avance. Lorsque la pente s’inverse enfin, je lâche les freins. Mais rapidement je déraille, je ne perds pas trop de temps puisque je réussis à remettre la chaîne en roulant. Je remets les gaz, un peu trop d’ailleurs, je me fais de belles chaleurs.
Je retrouve Thomas dans une partie physique. Plus loin je déraille à nouveau et cette fois ci je suis obligé de m’arrêter, Thomas ne s’est pas aperçu que je n’étais plus derrière lui et continue de tracer. Une fois la chaîne remise en place, je file à fond entre les arbres mais ce qui devait arriver arriva : je me satellise dans un arbre. Dans ma chute mon twinlock se bloque en position trail et impossible de le débloquer ! Je finis la descente avec les suspensions pratiquement bloquées, mes mains et mes bras ne peuvent plus tenir le cintre et je manque de chuter à chaque virage. J’arrive tant bien que mal à l’arrivée déçu par ce dernier run. J’ai vraiment eu du mal sur cette ultime spéciale très technique et extrêmement physique. En bas un bon ravito nous attend, il fallait au moins ça pour me réconforter !
Avec les ennuis mécaniques de la dernière spéciale nous ne sommes pas assurés de la victoire. Mais qu’importe, victoire ou pas, avec Thomas nous avons passé trois jours de folie inoubliables !!
Ça y est ça commence : Greg en grand speaker fait monter la pression en annonçant le top 10 par ordre inverse… L’équipe Giant termine ex-æquo avec l’équipe BMC et nous remportons avec Thomas le scratch par équipe !! Super content de ces trois jours que j’ai passé avec Thomas et avec le reste de la troupe. J’ai gravé dans la tête des moments sensationnels, mille mercis pour cette très très très belle épreuve. Soyez certain que je serai présent sur l’édition 2014 !!
